Contenu
-- La mort du Boson de Higgs ?
-- Evaluer la recherche sans la détruire
Au Royaume de Suède, mort du « Boson de Higgs »...Vive le Boson H
L'hiver suédois, l'atmosphère de solstice où scintillent les fastes de la semaine Nobel, se seront peut-être révélés fatals pour le Boson de Higgs...
Sous les feux des caméras de la BBC, au cours de l'émission « Nobel Minds », François Englert s'est vu interroger sur ce nom, et proposer « BEH » par la présentatrice (en honneur à Robert Brout, François Englert et Peter Higgs). Il a remarqué qu'en effet le seul nom « Higgs » était inapproprié, non seulement parce que Higgs n'était pas le premier à proposer la particule, mais aussi parce que la pratique du domaine ne privilégie pas les noms propres pour désigner les particules. Plutôt que d'introduire plus de noms de personnes, il a proposé une formulation neutre, et suggéré boson H. Peter Higgs a appr »ouvé avec quelque chaleur (il a souvent mentionné par le passé l'inconfort de la situation).
Pourquoi « H » ?
On peut y voir une concession élégante à l'usage, mais surtout une simple nécessité technique. Lorsque l'on met cette physique en équations, une lettre représente chaque particule. Pour les vecteurs des interactions, on connaît bien le photon (qui porte la lumière), désigné par le champ A,
les interactions faibles ont deux vecteurs : W et Z respectivement, et le gluon, responsable des interactions fortes, G. Les « bosons vectoriels » A, W, Z, G) sont bien établis, et il fallait une lettre pour désigner le boson scalaire, H étant déjà largement utilisé dans les articles scientifiques (les papiers originaux utilisaient la lettre grecque « phi »).
Chronique d'une mort annoncée
Tout au cours de la semaine Nobel (mais aussi dans d'autres contextes, comme lors d'une conférence au parlement européen), on aurait pu compter les signes de cette mort annoncée.
Dans le remarquable panel organisé par les universités de Stockholm, tant François Englert que Peter Higgs ont utilisé « boson scalaire », ou « 125 GeV particle », mais jamais « Higgs ».
Dans le remarquable panel organisé par les universités de Stockholm, tant François Englert que Peter Higgs ont utilisé « boson scalaire », ou « 125 GeV particle », mais jamais « Higgs ».
De même dans les « Nobel lectures » où Englert a introduit « boson H » ! Le comité Nobel, bien qu'il recoure à « Higgs » dans la partie de son analyse consacrée à la découverte, avait établi une chronologie méticuleuse qui souligne l'antériorité de Brout et Englert pour la particule aussi... mais il s'agit ici du texte réservé aux spécialistes.
Si, pendant la « Nobel week », des membres de l'Université d' Edimbourg arboraient avec quelque arrogance un badge « Ask me about the Higgs boson » (vérification faite, ils avaient fort peu à en dire) jusque dans les réceptions officielles, Peter Higgs n'a jamais eu cette attitude.
Le spectre du Boson de Higgs continuera-t-il à nous hanter ?
Que ses inventeurs aient suggéré une attitude plus correcte suffira-t-il à modifier une pratique fortement enracinée ? Avant de répondre, il faut comprendre le cheminement qui hante le sujet, et François Englert l'a rapidement évoqué dans le débat à la BBC. Il y a une conjonction d'erreurs factuelles sur la chronologie (comme l'a réellement reconnu le prix Noble Steven Weinberg), et de l'action d'un lobby médiatico-politique anglo-saxon extrêment puissant, dont l'influence s'étend jusqu'au CERN.
L'exorcisme n''est qu'entamé ; il faut aussi que ce solstice suédois convainque les représentants du monde scientifique, en particulier belge, de contribuer au retour de la lumière.
la partie critique est autour de18:47
Evaluer sans détruire
Evaluer sans détruire la recherche
Les discours Nobel de Peter Higgs et François Englert invitent à s'interroger sur l'évaluation de la recherche scientifique, et les dangers qu'un outil de gestion ne détruise ce qu'il est chargé d'évaluer...
(Les physiciens quantiques savent combien la mesure interfère avec le phénomène étudié...)
Une simple opinion
La crainte (partagée par de nombreux scientifiques) est non seulement
qu'une évaluation soit biaisée, en particulier à courte vue, mais aussi et surtout qu'elle
influence de façon nuisible le processus de recherche
Les processus d'évaluation les plus fréquemment utilisés (publimétrie, indices d'impact)
favorisent en effet une vision à très court terme.
Le pari le plus sût pour multiplier les articles et les citations est de suivre la mode, de publier dans une voie où le plus grand nombre de chercheurs du domaine sont actifs, de multiplier les
variantes parfois mineures de tels sujets.
Un article, même relativement mineur citant un auteur en vue a toutes les chances d'être accepté:
en particulier, cet auteur sera probablement un des referees, et bénéficiera ainsi d'une citation supplémentaire...
Il ya plus qu'un risque de créer de véritables "bulles" à court terme, (un peu à l'instar des marchés financiers, où des mécanismes similaires opèrent).
Les exposés Nobel, mais surtout la discussion en panel à l'Université de Stockholm relatifs aux travaux de Brout, Englert et Higgs sont très révélateurs tant de cette situation que de cette crainte.
Ces travaux s'inscrivaient en effet en rupture de la direction dominante et furent initialement assez ignorés, voie décriés (voir le discours Nobel de P Higgs, en particulier).
Il est intéressant de voir une représentation graphique des l'évolution des citations: pour l'article de Brout et Englert, le tableau ci-dessous a été compilé par Alexandre Sevrin (VUB) que je remercie au passage
C'est aujourd'hui une crainte bien réelle de voir de jeunes scientifiques (et pas seulement les jeunes) poussés à publier des travaux "parce qu'ils seront acceptés par le referee", ou "parce qu'ils seront cités" , plutôt que parce qu'ils sont profondément convaincus d'une approche profonde du sujet .
(citations de l'article de Brout et Englert dans les 15 premières années .. noter le départ lent avant 1973 et la première confirmation expérimentale du Modèle Standard ...)
jmf
(cette opinion est personnelle, et je la reprends ici plutôt que sur ma page professionnelle)
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